[Rumeur] Un art du passé...

Dans la contrée des mortels, parfois même au delà, l'on entend circuler une fois de plus une rumeur étrange. Elle semble revenir à chaque génération, un peu différente et étrangement la
même... Un tatoueur mystique serait réapparu sur les routes, empruntant son art mythique
des Gestes du passé...


Autour du feu de camp, un compagnon non loin et un chat qui ronronne.
Le bruit du vent dans les arbres berce doucement les volontés dans les landes vertes entourant Gludin. Une douce pénombre, flamme vacille et éveille le regard
alors que le champignon est moulu en poudre. La poudre mélangée au tabac
donne un nuage pourpre et vert, la couleur indistincte se mélange aux quintes de toux mais le paysage s'en retrouve modifié...

Je cours vers une lande mauve, un sac sur mes talons, le démon qui l'habite ne fatigue pas, lançant vers moi ses lanières et tentant encore une fois de m'avaler.
Le démon qui sommeille en moi s'éveille et lance ses crocs dans la bataille, m'ouvrant le flanc de ses griffes acérées, m'arrachant un rire aigu.
Je ne sais ce que je vais trouver en entrant dans cette grotte mais le gobelin dehors me dit que la maisonnette est vide. La cave sent le renfermé et les dalles sautillent sous mes pas... Je m'enfonce dans la lumière vive...

La pipe bien bourrée, le tabac circule, se vide et se partage. La lande verte est devenue mauve et le chat, éveillé, s'étonne de ce partage si étrange. Loin dans les landes s'écrit un autre chapitre de l'histoire, une cape s'effilochant alors que du sang coule. Les sens s'éveillent à une autre conception du Roy-Monde. Et le feu danse, danse une gigue sauvage alors que des filaments de fumée s'élèvent vers le ciel.

Perte de conscience dans une vision euphorique qui me mets les sens en éveil, mes yeux pulsent et le regard vacille, l'ouïe perçoit les bruits venant d'un quart de rayon à la fois, les bois craquent, on entends les fourmis marcher, nulle part la lumière nous assaillit, un gout de métal en bouche, comme du sang en bouche, lentement le monde tourne et je suis immobile dans un couloir, tombant vers le haut, le plafond s'approchant de moi, un liquide vermeil se répands et le monde, la terre déchirée se répands en pleurs et lave les blessures du mort qui vient de naitre.

Un coup de vent plus violent indique les orages printaniers qui s'approchent. et pourtant la pluie ne tombe pas. Une forme étrange danse dans les flammes.
Et les torses nus dansent une sarabande sauvage, lançant des cris de sauvages alors que la ville dort.
Les gardes sur le mur voient deux drôles en train de danser autour d'un feu et envient ces gens, libres, abandonnés dans leur euphorie. Un éclair frappe le sol et pourtant aucun bruit ne résonne, aucune lumière n'alerte qui que ce soit...

Démon des cieux, ange des enfers et maitre du sang. Dragon de feuilles et golem d'eau. Fée succube et nymphe laide. Plus de champignons dans le cercle que de pousses d'arbres dans la foret. Une deuxième clairière s'éclaire et l'homme fuit la sarabande maléfique. Les oreilles arrachées chantent la chanson du savoir et la plume danse sur le corps du compagnon.
Des cornes de démon broyées, une pierre bleue écrasée en poudre donnent de la peinture et l'écriture du démon s'inscrit sur le corps. Lentement prends forme la nouvelle peau qui pousse, écailles déchirant les chairs pour prendre place, telle une armure naturelle.
Le sang alimente le pouvoir et lentement le corps se redresse, lançant un cri de douleur au ciel. Ainsi est né une nouvelle forme d'art.

Les anges des enfers et les démons des cieux m'ont enseigné cet art du passé.
Je les en remercie.

Doucement le rêve s'efface. Encore une fois, le corps du compagnon, meurtri, sanglant et haletant s'affale sur le sol. Son torse recouvert d'une nouvelle peau, faite d'encres étranges et luisantes. Il s'éveillera avec un pouvoir qu'il ne se connaissait pas. Et le démon qui s'est installé en lui luttera à ses cotés. Pour l'instant...

Je m'assieds et je bois goulument de ma gourde.

"Père." Le son de ma voix m'effraye. Je me tais et je regarde en silence l'herbe mauve redevenir verte.

Alors que le soleil se lève, mon compagnon s'embrase d'énergie nouvelle et contemple le ciel d'un regard nouveau. Il me remercies et se répands en sanglots. La déchirure avec son ancienne vie, peut-être. Qui sait.
La journée s'annonce belle. Allons oublier cette nuit, elle reviendra me hanter
bien assez tôt, avec un autre compagnon...